03 février, 2015

Entretien avec Ernst Jünger



L'interviewer est-il plus célèbre que Junger pour que son nom mérite une police cinq fois plus large?


Le seul livre d'interviews dont j'ai l'expérience à ce jour est celui des entretiens de Borges avec Moreno. Mais c'est parce que je lirais n'importe quoi de Borges (sauf ses poèmes). Le hasard (« ou la fatalité » comme l'écrit Borges dans une de ses meilleures nouvelles) a voulu que ce livre me tombe dans les mains.



Si je considère mon histoire avec les livres, ceux qui m'ont le plus marqué ont presque souvent été des rencontres de hasard. De fatalité. Borges je l'ai découvert en prenant « Histoire de l'infamie » au hasard dans la bibliothèque de mon père parce que le titre me plaisait (et que je devais avoir besoin d'une distraction légitime au lieu de réviser mes cours de comptabilité).
Proust, j'ai pris chez un boutiquier le très court livre « un amour de Swan » parce que je voulais savoir ce qu'était ce Proust dont tout le monde vante la madeleine. La chance, la fatalité, a voulu que je commence ainsi par le livre sans doute le plus drôle et le plus agréable pour commencer son oeuvre. Je plains ceux qui découvrent Proust par le lourdingue « coté de Guérmante », ils risquent d'être dégoutés à tort de l'auteur le plus drôle de la littérature.

Si je digresse ainsi, c'est sans doute parce que ce livre d'entretien n'a rien de particulier. Je ne connais rien de l'oeuvre de Junger, ancien militaire allemand dans la France occupée, inquiété lors de l'attentat contre Hitler, ayant aidé des résistants, partisan de la paix et amoureux de la France.

Ce dont je retiendrais pourtant ce livre est le résumé par Junger d'un de ses récits ou il définit « le problème d'Aladdin ».
L'idée est belle pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'elle utilise un récit des mille et une nuits pour définir un paradoxe contemporain. Selon Junger, Aladdin trouve un génie qui peut réaliser ses souhaits les plus fous. Il pourrait utiliser ce pouvoir pour combattre la pauvreté dans son pays, pour résoudre les problèmes qu'il connait. Non. Aladdin choisit de se faire bâtir un palais, ou il vit une vie oisive pleine d'ennui et de facilité avant que sa stupidité lui fasse perdre la lampe magique au profit de Jafar.
De même, avec l'énergie atomique, l'internet, les ordinateurs de poches surpuissants que sont les portables, nous avons les moyens de résoudre tous les soucis d'énergie du monde, de mieux communiquer avec des gens à l'autre bout du monde, éliminer le racisme, l'incompréhension et les préjugés. C'est le problème d'Aladdin : Qu'importe le niveau d'avancées technologiques, et le pouvoir dont nous disposons ? Il sera mal utilisé.
Il n'y sans doute pas de « solution » au problème. Mais il est instructif de le voir ainsi formulé.

Le second souvenir que je garde de ce bouquin. C'est que Junger est ascendant Cancer, qu'il croit que l'astrologie permet de prévoir l'avenir. Oui. Même un allemand opposé à Hitler, qui a écrit des livres réputés, qui a émis le « problème d'Aladdin » peut être complètement stupide et crédule. On a au moins cela de plus que cet homme à l'histoire assez exceptionnel. On ne croit pas au charlatanisme astrologique.



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