18 octobre, 2012

Les Memoires d"Hadrien: Blagues et pas blagues du tout



page de titre des mémoire d'hadrien de Yourcenar
De l'Académie! T'as compris biatch?

Venant de finir ce livre, je note trois éléments qui méritent, je crois, d'être relevés. L'un est anecdotique et funky, l'autre est littérairement impressionnant, le dernier est gênant.

Ce qui m'a fait sourire est la fin que je cite (point de suspension inclus) : " ... Tachons d'entrer dans la mort les yeux ouverts ..." . Le livre est censé être une lettre qu'Hadrien envoi à Marc-Aurèle encore enfant. On l'imagine bien le stylet à la main, devant sa feuille mettre des petits points de suspension au moment de crever.






C'est marquant que pour un livre aussi étudié et travaillé (les notes recensent un nombre de sources historiques impressionnant dans cinq langues), Yourcenar ce soit laissé aller à ce genre d'erreur grossière. Dans la même veine, le ton du début de cette 'lettre' n'a rien à voir avec la fin, où Hadrien est moribond, et pour nous le faire comprendre Yourcenar abuse des points de suspensions et des phrases courtes comme s'il écrivait à bout de souffle.


crocodile mangeant un homme qui rédige son journal intime
Cher Marc-Aurèle, je suis à l'agonie ...
Mais c'est un détail, qui m'a juste amusé, et n'enlève rien à la valeur du bouquin. Et c'est le second point, le talent avec lequel Yourcenar dépeint l'amour.



Un des thèmes centraux est l'amour d'Hadrien pour le jeune Antinoë. Fait historique. Comme dans "Alexis", Yourcenar étudie cet amour passionné par la bande. D'Antinoë, on ne saura rien. Vaguement son apparence. Rien de son caractère. Et même sa mort qui a une dimension dramatique: il se suicide dans une sorte de sacrifice religieux pour la sécurité d'Hadrien, fait apparaitre le personnage comme juste un peu stupide.

Car ce qui compte ce n'est pas Antinoë, ni son caractère. C'est la façon dont cet amour transporte Hadrien, et l'enthousiasme de l'empereur. Qu'importe l'objet de cet amour. Qu'importe s'il le mérite, ou en abuse, ou comment il y réagit. Seul compte le ressenti d'Hadrien.


Je disais comme dans "Alexis" du même auteur. Cette façon super originale, de traiter l'amour marche parce que ca permet d'éviter le pathos et la sentimentalité facile. Et dans "Alexis" ca permet en plus de donner un coté thriller à l'intrigue : quel est le secret inavouable qu'Alexis ne peut déclarer à sa femme? bon, comme "l'œuvre au noir". Mais je m'égare.

sources pour mémoire d'hadrien de yourcenar
Personne n'a le temps pour toutes ces sources


Passons à ma troisième remarque sur ce livre: il est antisémite. Je grossis sans doute le trait. Mais, même moi, qui ne suis pas particulièrement israëlophile (Dieudonné me fait rire) j'ai eu du mal dans les moments ou Hadrien relate sa campagne en Judé.

Le chapitre semble ne jamais finir sur le ressentiment d'Hadrien envers le fanatisme des juifs et leurs vices et la stupidité de leur religion. C'est tout aussi insupportable que les remarques déplacées de Houellebecq sur le fanatisme et la stupidité des musulmans. C'est peut être pire, parce que ce livre est écrit après guerre. Parce qu'aussi, selon la façon d'écrire de Yourcenar ca semble ne jamais finir. Elle fait mine de passer à un autre sujet puis elle revient sur le thème principale. C'est comme cela qu'elle écrit et ca donne l'impression de cerner un personnage quand le propos est la caractérisation. Là ça fait un discours à charge contre les juifs. Houellebecq dans sa musulmanophobie est plus subtil: Il met d'abord en scène un père tué par un musulman jaloux, puis 200 pages plus loin, une collègue violée par des arabes, et à la fin du livre la femme de la vie du narrateur tué par des terroristes musulmans. Résumé comme ça c'est bien lourdingue, mais sur 600 pages ca passe tout seul, et on est presque ému par tout les malheurs qui arrivent au narrateur par la faute des musulmans.

Bref, je doute que Yourcenar soit antisémite. Je ne comprends donc pas trop pourquoi ce chapitre me choque à ce point. Surtout que quand je lis des personnages d'Ellroy qui sont fondamentalement raciste, antisémite, xénophobe et misogyne, je les trouve plutôt attachant.J'imagine que ce qui choque chez Houellebecq ou Yourcenar, c'est que rien d'autre dans le personnage qui exprime l'opinion anti-fanatique, ne semble jamais le choquer. Soudain, le personnage abhorre le fanatisme. Et comme par hasard, uniquement un seul type de fanatisme, et il est tout à coup super susceptible à ce sujet, alors qu'il se fout de tout le reste.Ca reste un livre qui se laisse lire. Je préfère tout de même "L'œuvre au noir " en roman historique et "Alexis" en roman gay.

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