22 novembre, 2012

Journal de voyage: Le chat de Reno



Chat domestique - Van Gogh


Tout petit je croyais que les chats, que mes parents possédaient, deux gros mâles, l'un orange l'autre tigré, parlaient avec moi. Je sais que je vais passer pour fou si j'avoues que cette croyance ne m'a jamais vraiment quitté même maintenant que j'ai vieilli. Pourtant je n'ai plus jamais possédé de chat durant ces longues années au cours desquels je n'ai plus jamais eu de contact avec ma famille.




Il va de cette croyance comme de l'érection, ou des tortures d'insectes et des jeux de docteurs avec les voisines: Enfant, on sent déjà, sans l'avoir jamais apprit que ce sont des sujets qu'il ne faut pas aborder avec les adultes, et ne jamais révéler aux autres. C'est sur cette pudicité de l'enfant que mise les pédophiles pour que leurs méfaits restent secrets. C'est sur la conscience enfantine de certains tabou inexprimés qui permet au psychopathe de passer inaperçu les premières années de sa vie alors que déjà il fait l'expérience de la cruauté la plus violente.

Je n'ai jamais cru, par contre, que les chats me comprenaient. Qu'il y ait une communication complète entre nous aurait été sans doute un raisonnement trop logique pour que son absurdité ne me semble pas évidente. Non! Je crois juste que parfois, les chats me communiquent certaines informations vitales. Quand j'étais enfant j'ai bâti cette conviction sur la présence de certains petit rongeurs, souris, musaraignes que je cherchais  au fond de buissons touffu ou je n'aurais jamais pu les apercevoir. Il me semble qu'a chaque fois, un regard de chat m'a encouragé à fouiller ce buisson particulier alors que son aspect même, ses épines, me dissuadait de m'aventurer dans son feuillage. Ce qui nous emmène de nouveau à Reno.

Le dimanche et le jour ou les vendeurs de voiture font l'essentiel de leur chiffre. C'est aussi la journée la plus frustrante. Les clients viennent essentiellement pour s'occuper, prendre l'air, sortir. Ils sont nombreux, et souvent, pas du tout là dans l'optique de faire un achat. Ils flânent. Ils s'ennuient. Les vendeurs détestent le dimanche parce qu'ils ont l'impression d'être dans une sorte de zoo: leur but est d'amuser des humains indifférents. Le taux de vente finalisée est sans doute le plus faible de la semaine. Mais comme il y a tellement plus de monde que d'habitude, ça reste la meilleure journée pour faire du chiffre. Quand le matin je me suis dirigé vers le garage à la bordure de la ville j'ignorais encore cette spécificité de la journée. J'ai croisé un chat. C'était un chat sauvage à la queue incroyablement touffu et hirsute. Il était maigre mais se tenait la tête haute en un air de défi sur le bord de la route. J'ai compris. Demi-tour. La journée se passa devant des vieilles séries rediffusées sur la seule chaîne accessible dans le  salon de l'hôtel.

Le lendemain j'étais viré. J'apprenais aussi qu'une belle vente avait été faite avec un policier du Sud venu en vacance. Une fois encore un chat m'avait parlé. On pourrait dire qu'il m'avait sauvé la vie. La peine de mort et encore pratiquée au Nevada.

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